Du paradoxe du penseur ou comment il n’y a parfois rien de pire que de trop poursuivre un but pour le louper…
Quoi de mieux dans la vie que la vie en elle-même, ses rencontres, ses affres pour nous faire réfléchir ? Est-ce que tout n’est pas là sans avoir besoin d’aller chercher encore et toujours plus loin jusqu’à ne perdre parfois le sens ? Et puis, d’abord, pourquoi cherche-t-il autant de sens ce penseur : parce qu’il est totalement perdu ?
Les penseurs, “chercheurs de tout”, philosophes passent-ils à côté de l’essentiel en se perdant dans une façon scientifique d’acquérir des raisonnements et de connaissances que la vie à elle seule suffit à nous procurer ?
A trop vouloir penser, retourner, démontrer le penseur peut-il “dé-penser” ?
Se perd-t-il en d’abstraits concepts, se cloisonne-t-il à des “écoles”, des “maîtres à penser” au lieu d’être lui-même ?
Je pose la question sans avoir de réponse.
Dans Voyage au bout de la nuit Louis-Ferdinand Céline écrit à propos d’un professeur qu’il côtoyait en centre hospitalier :
” Il avait le vice des intellectuels, il était futile. Il savait trop de choses ce garçon-là et ces choses l’embrouillaient. Il avait besoin de tas de trucs pour s’exciter, se décider.”
Il est vrai, parfois, que ceux qui veulent réfléchir ont une propension à se perdre dans les idées et les concepts. Ce qui dessert au final leur pensée bien plus qu’elle ne la sert.
Si les penseurs de l’abstrait (qui souvent ne peuvent l’être que parce que leur condition sociale et matérielle le leur permet) arrêtaient un instant de tout enfermer dans des concepts et se contentaient de vivre… Peut-être remettraient-ils en cause tout ce qu’ils ont pensé jusque là ?
Vous me direz : “oui mais parfois difficile d’appuyer sur le bouton “pause” dans mon cerveau”. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Je parle ici des penseurs qui veulent tout mettre dans une case. De ceux qui enferment le monde dans des concepts, forcément trop étroits pour qu’il y tienne.
Peut-être que s’ils appuyaient sur ce bouton ils verraient une telle complexité en toutes choses que la logique voudrait qu’ils renoncent à l’idée même de concepts pour se contenter d’observer. Peut-être que certains comprendraient alors que, “s’il ne faut pas renoncer à cerner l’horizon de la vérité parce qu’il est lointain” (André Comte-Sponville), l’espoir d’être éclairés par l’ultime vérité doit cesser de guider leurs actes. Car cela peut mener au désespoir.
Je ne dis pas d’abandonner toute réflexion. Mais qu’il est certainement salutaire, parfois, de mettre la “machine à concept” en pause.
Qu’est-ce que croire en un concept rigide si ce n’est croire au fait de détenir l’ultime vérité ? Et est-ce que croire détenir l’ultime vérité ce n’est pas se tromper (au moins un peu) et se perdre dans des concepts, des idées abstraites ?
“Je me demande donc si les penseurs ne sont pas parfois, et en grande majorité, parmi les plus paumés d’entre-nous. “
Je me demande donc si les penseurs ne sont pas parfois, et en grande majorité, parmi les plus paumés d’entre-nous (je m’inclus dedans pour le coup).
Pourquoi sinon s’intéresser autant à la quête de sens ?
Peut-être se sont-ils mis à chercher du sens car ils n’en trouvaient pas ?
Peut-être ont-ils tendance à se laisser influencer, à ne pas écouter leur instinct?
Aussi pourquoi devrions-nous à notre tour les écouter, perdre notre temps à lire leurs ronflantes théories qui n’ont d’autre but que de les rassurer eux-mêmes sur leur capacité à avoir des certitudes ?
Les cordonniers sont les plus mal chaussés ? Et les penseurs ne sont-ils pas les plus incapables de raisonner ?
La question est provocante mais je pense qu’elle a le mérite d’être posée.
Je ne pense pas que tous les penseurs soient attirés à la pebnsée car ils sont “perdus”. Certains déclenchent par exemple cette quête de sens suite à un événement de vie difficile. Je pense que, de même qu’une grande proportion d’égocentriques attirée par le pouvoir cherche à faire de la politique, une majorité de “chercheurs de sens” peuvent-être des êtres un peu perdus, qui s’intéressent par conséquent au sens de la vie. Tous les penseurs ne sont donc pas à la même enseigne que nos pauvres cordonniers. Mais la vigilance est de rigueur car, il est somme toute logique que nous pratiquions un métier vers lequel nous avons été attiré par une quête personnelle.
En somme, je ne pense pas qu’il faille baser nos pensées en se référant aux “grands penseurs”. Souvent, certains amis peuvent être d’une plus grande utilité car tout aussi capables de penser 🙂
Tiens, qu’en pensez-vous ?
J’ai dû relire deux fois ton article, trop riche pour être absorbé par mon cerveau en un seul passage.
En plus, t’as le chic pour nous offrir des sujets intéressants, alors me v’là « obligé » (et ravi) de commenter, c’est malin !
Tout ça, c’est de la faute à Descartes avec son : « Je pense donc je suis », on a presque l’impression que si on arrête de penser, on meurt. Ben non ! Y’a des politiciens qui ont arrêté de penser depuis bien longtemps et ils sont encore là !
Je suis d’accord avec toi, le « Penseur Addict » prisonnier de ses concepts et de ses références, flirte souvent avec l’aveuglement et l’obsession qui peuvent le mener au désespoir, alors que la « vraie » vie offre effectivement des apprentissages tout aussi riches. Le juste équilibre serait encore une fois un choix judicieux il semble.
Il existe peut-être de nos jours et sous nos latitudes une malsaine tendance à considérer qu’il nous faut un avis sur tout, ce qui rend fou notre P.A, alors que, pour citer Jules Renard, penser peut n’être que « chercher des clairières dans une forêt ». C’est nettement moins stressant.
J’aime assez dans le bouddhisme ce qu’ils appellent le fameux « esprit du néophyte », apte à accueillir, car non rempli et humble, un peu comme les enfants qui n’ont pas honte de ne pas savoir et d’apprendre de tout.
Où le marchand de sagesse peut-il déposer ses cadeaux si l’esprit est encombré et fumant en permanence ?
Oui j’essaie de faire au plus clair mais même comme ça ça reste parfois complexe ^^
J’ai énormément d’idées, de lectures et donc d’inspiration en ce moment donc ça fuse !!
D’accord avec toi pour l’équilibre pensée théorique-expériences et d’ailleurs vivement que je termine mon e-book puisque je parle un peu de l’auto-défense intellectuelle en première partie et que ça touche à ce que tu dis 🙂
La période est effectivement très propice à l’inspiration, je le ressens aussi.
Alors vivement les prochaines productions de ton cerveau en ébullition.
HaHa merci !