Reiki, naturopathie, méditation de pleine conscience… Alors qu’elles ne posent aucun problème sur le reste du globe, certaines médecines douces sont en France au cœur de virulentes polémiques.
D’un côté, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) les considère comme « à risque de dérives sectaires ». De l’autre, les thérapeutes formés à ces méthodes parlent de véritable « chasse aux sorcières ». Au milieu, les patients ne savent plus qui croire. Alors, la France est-elle le terrain d’une guerre idéologique entre médecine allopathique et médecines non conventionnelles ? Une enquête qui questionne jusqu’aux principes fondateurs de notre République…
Enquête initialement parue dans le magazine indépendant Nexus n°115 en mars 2018*.
Et vous, quelles limites posez-vous entre science et spiritualité, entre physique et mental ?
Racontez-moi vos expériences, bonnes ou mauvaises, avec les médecins douces !
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J’ai aussi remarqué qu’en France les médecines alternatives ne sont pas prises au sérieux, pourtant je trouve qu’elles ont de nombreux avantages comme le fait d’avoir un point de vue différent sur certains soucis…
Bonjour Sabrina,
La nature ne connaît pas de limite justement entre les deux, elle est unité et perfection. D’ailleurs les spiritualités les plus avancées en sagesse traitent de science et les scientifiques de pointe non aveuglés intègrent, bien obligés, une certaine transcendance dans l’équation finale. Science et spiritualité ne sont que les deux faces d’une même pièce, deux approches aussi utiles l’une que l’autre qui mènent au même résultat, deux regards qui se complètent à merveille quand on ne les fait pas s’opposer stérilement par orgueil ou intérêt.
Mais voilà, l’être humain issu de cette merveilleuse perfection unifiée y retourne clopin-clopant sur un chemin profondément personnel, à un rythme adapté, en sortant un à un tous les instruments de la boite à outils dont on l’a équipé afin de gravir des échelons de sagesse et de connaissance. Son libre arbitre sacré lui ouvre les portes de toutes les opportunités d’évolution, parmi lesquelles la science et la spiritualité, tour à tour ou simultanément. Il se doit juste d’éviter les crispations extrémistes dans chacune des voies car cela l’emprisonnerait dans la peur, la division et l’obscurantisme.
Je pense, j’observe et j’expérimente que le rapport de chacun avec les médecines ancestrales, allopathiques ou douces dérive en grande partie de ce stade d’avancement dans son parcours personnel et n’est pas jugeable en soi. Il est adapté s’il est libre et éclairé, et on peut picorer dans la proposition thérapeutique qui touche notre cœur et/ou notre raison, qui nous donne instinctivement confiance, en comprenant que la collaboration est généralement la voie du salut (et pas seulement en matière de santé !).
L’effet placebo indiscutable désormais prouve qu’une guérison est au-moins à 50% mentale et que ce taux peut très largement augmenter. Certains auront besoin de compléter ce travail intérieur d’auto-guérison par une assistance momentanée, un traitement ou un protocole, quand d’autres choisiront un peu plus tôt de consacrer du temps et de l’énergie à développer cette aptitude à agir sur son propre corps mentalement en faisant confiance aux processus parfaits qui le régissent et à la réversibilité de toute situation dont on a identifié la cause racine.
Ce qui est dommageable, c’est la guerre idéologique délétère dont tu parles, menée pour préserver des positions dominantes confortables. D’autant plus grave qu’elle sème la discorde et la confusion dans l’esprit même de ceux qui auraient besoin de clarté et de compréhension pour trouver leur chemin de rétablissement et de cohérence. Il est criminel d’ôter à quelqu’un une partie des solutions, de lui interdire son propre équilibre bâti avec ce que peut lui apporter chaque technique bien intentionnée. C’est donc à chacun de faire preuve de lucidité et d’abandonner la facilité du prêt-à-penser pour reprendre son pouvoir et découvrir des possibilités insoupçonnées.
Ma femme et moi accompagnons spirituellement des personnes en parcours de soin allopathique, alternatif ou mixtes, sans émettre d’opinion thérapeutique autre que l’hygiène de vie et de pensée, l’éveil à la prise en compte de l’importance du terrain, l’importance de l’écoute intérieure. Quelques techniques de relaxation et de rééquilibrage énergétique en complément. Dans tous les cas, il y a des guérisons et des aggravations, des petits « miracles » ou des déceptions. Dans tous les cas, la personne tient le gouvernail et la voile, il reste maître à bord, maître des options et maître de l’endroit où il met sa foi. Parfois, l’aidant voit l’évidence, ou pense la voir, mais il n’est que cela, aidant, et jamais décideur. Attendre la demande, offrir l’expérience et le plus souvent possible contempler avec émerveillement, simplicité et humilité la vie à l’œuvre plus ou moins aisément.
Beaucoup de praticiens « classiques » s’ouvrent à la coopération avec les médecines douces, c’est encourageant. Mais d’un autre côté, la médecine alternative est devenue un fourre-tout un peu nébuleux et de plus en plus concurrentiel où on côtoie le pire et le meilleur des fantasmes humains. Cela nuit beaucoup à l’image générale, surtout que les innombrables salons bien-être ouvrent leurs portes parfois sans vigilance à des énergumènes pas tous mal intentionnés mais potentiellement dangereux au mieux pour le portefeuille, au pire pour la santé. La Miviludes n’est donc pas complètement infondée dans sa vigilance pour protéger les plus faibles. Espérons qu’une sélection « naturelle » opèrera un tri dans tout cela.
Et pour l’anecdote, puisque c’est un peu ce que tu nous demandais (mais tu vois que je ne sais toujours pas faire court !), dernièrement, mon épouse a été attirée par une méthode de décodage biologique et symbolique et donc pris rendez-vous pour une consultation. Attention, la technique n’est pas en cause, certains la pratiquent à merveille, mais en l’occurrence le praticien a commencé sa séance et tout allait pas trop mal (un peu long quand même, sûrement pour justifier les sommes qu’il allait demander par la suite) jusqu’à la question fatidique de son animal préféré. Valérie regrette encore la spontanéité de sa réponse : le rat. Elle a cru que le jeune praticien allait faire un infarctus tant ce mot a déclenché chez lui une terreur (le mot est choisi) dont elle a eu elle-même du mal à le faire sortir, surtout quand il a vu qu’elle avait rouvert les yeux contrairement à « ses ordres ». Mais bon, au bout de 2 heures avec un hystérique, on a plus envie de se sauver que de respecter ses consignes, surtout quand il semble parti sur une autre planète. Valérie a finalement et paradoxalement réussi à le calmer et le rassurer, non sans mal, en lui promettant qu’elle reviendrait pour les 9 autres séances à 90€ qu’il n’avait pas manqué de lui conseiller si elle ne voulait pas subir de graves événements suite à ce symbole du rat. On en a beaucoup rigolé, bien que ce soit triste. Elle n’a pas fait les autres séances…
Bonjour Fabien et merci pour ton témoignage fouillé 🙂
Le rat devait menacer son fromage ! 😉 Merci pour ce témoignage qui illustre des dérapages souvent entendus chez des praticiens qui s’égarent dans les interprétations révélatrices de leur subjectivité et de leurs fantasmes. Ma compagne a souvent eu des patient·e·s qui avaient été traumatisé·e·s par des thérapeutes refusant de les soigner parce qu’ils sentaient “du froid” dans leurs mains et que pour eux c’était connecté avec la mort ou des choses trop négatives. Alors que ce froid était simplement la récupération après un choc physique ou psychique, qui demandait à être accompagné sans aucun jugement…
Le début de ton message m’a beaucoup plu aussi. Comme ça, à froid et en sécurité, je ne sens pas de besoin de transcendance, l’immanence des événements me satisfait pleinement. Mais plus les années passent plus je devine qu’en pensant à l’inévitabilité de la mort je serai tenté de devenir agnostique, sinon croyant, sur des questions ouvertes telles que la possibilité d’une existence post-mortem ou de réincarnation. Ces questions étant hors du domaine de la science (de l’observable et du raisonnable) n’entravent en rien la capacité d’observer, d’expérimenter, de raisonner. Je suis donc d’accord qu’il n’y a pas de conflit entre science et religion tant qu’aucune n’essaie d’occuper le terrain de l’autre (ex. créationnisme ou rationnalisme), et qu’en même temps elles occupent ensemble le terrain de nos consciences.
Fabien, Bernard, merci pour vos échanges enrichissants que je lis avec grand intérêt même si je n’y réponds pas faute de temps (je suis débordée !). 🙂
Tu es toute excusée vue la manière utile dont tu occupes ton temps.
Ha ! Ha! (merci oui, donner des cours + écrire des articles + entretenir un blog + écrire 2 livres en quelques mois ça n’a pas été de la tarte !) (heureusement un merveilleux voyage au Japon en amoureux m’attends fin avril !!!!)
Merci Bernard. Pour ma part, je ne distingue plus l’immanence de la transcendance, ça cohabite parfaitement dans mon cœur et dans mon cerveau. Deux choses apparemment opposées peuvent être vraies simultanément, c’est ce qu’affirment à juste raison les derniers postulats quantiques. Et pourtant ma « croisade » initiale était comme beaucoup de démasquer l’imposteur, mais ce mystérieux et envoûtant univers ne l’entendait pas de cette oreille !
Comme le dit André Comte-Sponville : « Ce n’est pas parce que l’horizon ultime de la vérité nous échappe qu’il faut renoncer à discerner le vrai du faux. »
Comme le dit la grande philosophe Sabrina Debusquat dans Métro, boulot, bonheur ! :
🙂
Je vous aime lecteurs pour vos réflexions !
PS : et Fabien j’ai toujours ton livre que je n’oublie pas, je me dis régulièrement qu’il faut que je le lise mais mes lectures féministes sont passées avant… Et je fonctionne à la lecture instinctive, quand je sens qu’un livre “m’appelle”, je le lis et ça tombe souvent en accord avec mes questions du moment (alors que parfois, pour certaines fictions je ne sais pourtant pas ce que je vais trouver das le scénario mais bref, cela m’est tant de fois arrivé de trouver une phrase, une histoire qui colle parfaitement avec les questions que je me posaient que désormais je ne fonctionne plus que comme ça, et pour l’instant le tien attend son heure ^^). Tu as déjà vécu ce phénomène ?
Oui, parfois même à en rester bouche bée, et pas qu’avec les livres… Concernant le mien, ton instinct a encore fonctionné, ne perds pas ton temps et glisse le dans une give box. Il est en réécriture complète, alors attend la 2ème mouture enrichie (enfin j’espère).
J’adoooore les synchronicités ! 🙂
Je ne perds pas mon temps, juste que peut-être ce n’est pas ce dont j’ai besoin là tout de suite ^^ Je le garde au chaud.
Les termes “médecines douces” et “médecines alternatives” ne font pas consensus aujourd’hui. On dit plutôt “médecines complémentaires”, cela pour des raisons éthiques et légales qui me paraissent importantes.
Une médecine “douce” serait en opposition à des médecines “dures”, si ce n’est violentes… Or certaines pratiques, par exemple en chiropractie ou en ostéopathie, n’ont rien de “doux”. Même sans douleur, elles peuvent perturber les processus d’autoguérison d’un organisme qui n’est pas prêt à accueillir la manipulation.
Si l’on parle de médecine “alternative” cela veut dire qu’elle remplacerait la médecine conventionnelle. Position très dangereuse lorsqu’on a affaire à des maladies graves et notamment des cancers. Par exemple, le traitement métabolique du cancer proposé en France par le Dr. Laurent Schwartz s’appuie sur une compréhension différente de cette maladie (la santé mitochondriale) mais il est appelé à renforcer et non remplacer les traitements conventionnels. (Voir lebonheurestpossible.org/cancer-traitement-metabolique/)
Pour ces raisons, la seule position acceptable pour les médecines “autres” est de se déclarer “complémentaires”. Les patient·e·s sont ensuite libres de continuer ou non les soins conventionnels dans une pathologie grave.
Personnellement c’est le terme “médecine” qui me gêne. Je préfèrerais qu’on parle de “pratique de soin”, même quand cette pratique a hérité de celles qui, en d’autres pays et à d’autres époques, étaient qualifiées de médecines.
La pratique médicale, dans sa signification actuelle, consiste à poser un diagnostic puis à intervenir avec des médicaments ou une technique manuelle pour rétablir un fonctionnement normal de l’organisme (et du psychisme). La pratique médicale suppose une adhésion “aux données les plus récentes de la science” (code de déontologie médicale) – même si ça me fait tristement rire quand je vois l’incompétence de médecins en soins préventifs !
Une pratique de soin autre que médical devrait se dispenser de diagnostic. Sauf bien sûr si l’on veut appeler “diagnostic” une évaluation du terrain à l’aide de prise de pouls et autres données sensibles. Elle peut aussi se passer d’intervention, oui oui… Ne rien “faire” car c’est l’organisme du patient qui travaille, le praticien n’étant là que pour accompagner ses besoins. Le praticien qui se désigne comme “guérisseur” serait donc un imposteur car c’est le patient qui guérit. Ça, c’était le point de vue des rebouteux “incultes” — mais experts dans ce qu’on identifie aujourd’hui comme soin des fascias. Leur savoir-faire (ou savoir-non-faire) exigeait une acceptation et une compréhension des mécanismes involontaires qui gouvernent la majorité de nos processus vitaux (même conscients).
Cette approche, je crois, trouvera sa vraie place au 21 siècle parce que les techniques d’imageries nous permettent de plus en plus d’appréhender les processus physiologiques subtils qui nous maintiennent en bonne santé. Curieux retour d’une approche qui n’avait pas de nom parce que trop éloignée d’une vision mécanique du corps et du psychisme humains… J’ai assisté à sa renaissance avec le seitai japonais puis à son plein déploiement avec le yukido (yukido.fr) qui intègre le savoir-faire des rebouteux. Ce déploiement consiste à reconnaître qu’elle est accessible à tout le monde : aucun don, aucun rituel, aucune pensée magique ne sont nécessaires. Rien à voir avec une spiritualité ancienne ou nouvelle, et certainement pas avec ce New Age qui a envahi notre espace et oblitéré notre esprit critique !
Voilà tout ce que m’inspire cette question sur les “médecines douces”. Je n’ai peut-être pas répondu à la question mais je ressentais le besoin d’écrire après avoir appris hier le terrible diagnostic de cancer d’une jeune amie émigrée de l’autre côté de l’océan…
Merci Bernard pour ton commentaire 🙂
Allons-y alors pour les pratiques de soin complémentaires ! Les mots ont un sens, même si je pense que le grand public risque de rester encore un moment avec les termes de “médecine douce” ou “alternative”.
Ce n’est pas gênant d’utiliser ces termes anciens tant qu’on sait qu’on parle de la même chose… J’ai juste précisé que ça peut l’être si l’on s’adresse au “grand public” et au monde médical dans lequel cette controverse s’est installée – pour des raisons qui ont plus à voir avec des conflits de pouvoir et de territoires qu’avec une véritable réflexion éthique et philosophique !