Longtemps, j’ai pensé pouvoir utiliser les réseaux sociaux pour le meilleur en passant outre le pire. Aujourd’hui, l’agressivité, la polarisation systématique des débats et l’incapacité à s’y écouter m’y semblent désormais si répandus que je ne leur trouve plus aucun intérêt. Dans la “vraie vie”, quand un endroit me semble peuplé de cons agressifs je n’hésite pas à le quitter, il n’y a pas de raison d’agir différemment avec les “lieux en ligne”. J’ai donc décidé de quitter le royaume des cons !
Depuis maintenant une décennie, j’utilise les réseaux sociaux afin d’y partager des informations qui me semblent intéressantes et faire de la veille autour de thématiques santé-environnement. Les gens ont toujours eu une certaine facilité à s’énerver ou à critiquer plus vivement derrière leurs écrans mais depuis quelques années ces petits défauts ont dégénéré en gangrène globalisée. Ce qui aurait dû être un espace sympa pour échanger s’est transformé en brouhaha inaudible où même une publication de chaton mignon peut s’achever en ping-pong d’egos névrosés.
Par-dessus ça, des intérêts économiques se sont insidieusement immiscés dans les débats pour les biaiser. Certains acteurs économiques ont compris que les réseaux sociaux étaient une formidable chambre d’écho pour leurs idées, pour influencer les esprits et faire taire ceux qui ne jouent pas dans leur camp (lisez à ce propos le formidable “Les gardiens de la raison” des journalistes Stéphane Foucart et Stéphane Horel qui décrit parfaitement comment les industriels s’emparent des réseaux sociaux pour y modeler l’opinion publique dans leur sens, instiller le doute ou tout simplement inviter à des attaques en meute sur des journalistes ou autres leaders d’opinions dont les propos désservent leurs intérêts économiques).
Treize raisons pour lesquelles je ne trouve plus aucun intérêt aux réseaux sociaux :
Je souhaitais partager cela avec vous car j’ai décidé, de ne presque plus rien y publier et surtout, de publier désormais à “sens unique”, sans regarder les commentaires. Je vous y partagerai simplement de temps à autre une info qui me semble importante mais, pour le reste, je préfère que nous nous retrouvions et échangions directement ici plutôt que chez l’ami Marc Zuckerberg 🙂
Voici donc en vrac treize raisons pour lesquelles j’ai décidé de m’éloigner des réseaux sociaux :
1 | Menaces sur la liberté d’expression
► Il y a quelques années de ça, j’ai commencé à ne plus oser y exprimer ce que je pensais de peur de voir rappliquer les meutes en ligne. Je trouve ça grave, ça me donne envie de gerber. Je me suis pris la tête toute seule, me disant que je ne devais pas plier, que sinon ils gagnaient, pour finalement comprendre que, non, le terrain des idées est loin de se limiter aux réseaux sociaux. Au contraire, j’y perds du temps, de l’espoir, de l’énergie et je fais mieux de garder ce temps pour créer, me ressourcer et écrire des livres qui, eux, resteront dans le temps.
2 | Café du commerce…. en moins intéressant !
► Je n’en ai sincèrement rien à faire de savoir que Jean-Michel1253 pense que “De mon temps les femmes ne se plaignaient pas de la pilule, pas comme ces connes de nouvelles féministes choin-choin, lol” ou que Céline #SageFemme me dégomme dans sa story Instagram pour finalement être “tout à fait d’accord avec moi” via message privé, reconnaissant qu’elle s’est “peut-être un peu emportée” et qu’elle n’avait “pas bien lu mon post”…
3 | Ça se lâche/cache derrière les écrans
► Dans la vraie vie, ces gens n’oseraient jamais m’invectiver ainsi et que je n’ai pas à subir ça parce que nous sommes “en ligne”. D’ailleurs, ma sensibilité reste la même, écran ou pas. Je considère qu’une parole agressive ou méchante a le même impact, en ligne ou dans la vraie vie et parce que je veille à ne jamais en proférer personnellement. Les gens ne réfléchissent plus avant d’écrire sur ces réseaux, parce que la barrière de l’écran les y rend particulièrement impolis et agressifs. Finalement, quel est l’intérêt de lire tout cela ?
4 | Egos sur canapé
► Je crois que les gens, beaucoup trop de gens, passent beaucoup trop de temps sur ces réseaux sociaux et qu’ils en perdent tout contact avec la réalité. Je crois que les minorités qui s’y expriment (environ 10 % de la population selon les spécialistes) le font bien trop souvent pour de mauvaises raisons, à savoir faire entendre leur avis, trouver une place ou croiser le fer. En effet, il faut vraiment avoir du temps et de la motivation pour s’y exprimer désormais vu le flot de merde qui vous tombe quasi systématiquement dessus quoi que vous disiez.
5 | Oh tu vas prendre, oh oh ♪ ♫
► J’ai remarqué que ceux qui sont les plus visibles sur ces réseaux, qui font du bruit, sont également les mêmes qui ont ce besoin irrépressible d’étaler leur ego ou de croiser le fer comme si leur vie en dépendait. Or, précisément, ça ne m’intéresse pas d'”échanger” avec quelqu’un qui n’est pas là pour ça. J’ai aussi souvent remarqué que ceux qui agissent ainsi en ligne sont bien souvent très différents dans leur “vraie” vie. Franchement, je n’ai pas que ça à faire de mes journées d’être le punching-ball de Michel qui accumule de la haine à cause de son connard de patron ou de Nadine qui déverse sa bile sur les réseaux parce qu’elle a une vie de merde. J’en ai marre des pleutres de la réalité qui soudain, derrière leur écran, se sentent pousser des ailes de “justiciers”.
6 | Le débat… ou pas
► Je ne crois pas aux vertus du “débat” sur les réseaux sociaux. Je crois que les gens n’entendent (et ne vont y chercher) que ce qui les conforte dans leurs opinions (le tout aidé par les algorithmes). J’ai souvent l’impression d’y être la seule conne à la jouer réglo, polie et fair-play. La seule conne, par exemple, qui refuse d’avoir un avis sur quelqu’un que je n’ai pas lu (quand bien même il/elle me semble antipathique). La seule conne à persister à avoir une pensée nuancée. La seule conne qui cherche toujours à comprendre qui elle a en face et qui se refuse aux réponses empressées, énervées ou ayant pour seul but d’envoyer une punchline bien trouvée. La seule conne qui croit encore pouvoir débattre en ligne dans l’écoute, le respect et le partage. La seule conne qui respecte trop les autres pour chercher systématiquement à les plier à son avis. Parce qu’en vrai, les amis, je n’en ai absolument rien à faire de vous dire quoi faire de vos vies mais je me demande vraiment pourquoi vous avez, vous, ce besoin quasi pathologique de vouloir me dire quoi faire de la mienne… Un psychologue pour nous aider ?
7 | Les gens savent mieux que vous qui vous êtes et pourquoi vous agissez #EhLaQuiVaLàInspecteurGadget ♪ ♫
► Défaut extrêmement répandu sur les réseaux sociaux : les gens ne cessent de vous y prêter de fausses intentions sans chercher à se remettre un instant en question eux, ou leurs préjugés. Leur “avis” sur vous, leurs théories collent tout simplement à ce qu’ils ont envie de penser. Vous aurez beau dire ce que vous voulez, ils persisteront à penser que “Si, forcément, vous n’avez sorti votre bouquin de merde sur la pilule que parce que vous-même avez eu une mauvaise expérience avec elle.” Et que si vous publiez des témoignages sur les réseaux sociaux c’est forcément pour “vendre votre bouquin de merde” et vous “faire de l’argent“. Ne tentez même pas de leur répondre que vous avez gagné bien moins que la moitié du SMIC horaire pour chacun de vos livres et assuré bénévolement une promo éreintante, c’est peine perdue. Ne tentez pas de leur expliquer qu’entretenir ce put*** de compte Instagram féministe vous vole des heures chaque mois sur votre temps de vie personnel et que vous n’en retirez vraiment rien (ni gloire, ni célébrité et encore moins de gains financiers). Quoi que vous disiez, vous ne serez jamais assez bien pour eux, eux qui pourtant n’ont jamais rien publié et se gardent bien de dévoiler leur vraie identité.
8 | Toujours mieux se lisser pour plaire à tous.tes
► Quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, il y aura toujours quelqu’un pour s’en sentir offensé.e, ne pas être d’accord et surtout venir vous l’exprimer vivement. Après plusieurs années passées dans cette ambiance de merde, vous n’osez plus bouger le petit doigt. Dès que vous avez une large audience (comme c’est le cas sur mon compte Instagram Paye Ta Contraception et ses 19 000 followers) vous publiez la boule au ventre, préparez vos publications pour ne blesser personne et vous demandez sans cesse : “Ah, mince alors non ça ça va pas plaire à tel groupe. Oui mais en même temps, tel truc ça va faire réagir ceux qui pensent comme ci. Et puis, ai-je bien pensé à mon écriture inclusive ?” Bref, vous passez votre temps à vous demander : “Mais que vont-ils penser ?”. Au final, il y a toujours des critiques, des attaques et des mécontents et c’est extrêmement frustrant, surtout quand ceux-là mêmes qui vous attaquent seraient absolument infoutus de rédiger le quart de ce que vous publiez.
9 | Des likes mais surtout du vent
► La course aux likes et aux followers ne m’a jamais intéressée et ne m’a jamais rien rapportée. Je l’ai toujours utilisée uniquement comme outil militant, pensant que cela servait simplement à faire avancer ma cause féministe pour le développement de contraceptions sans effets indésirables. En vérité, si mon compte a pû faire cheminer certains dans leurs pensées sur le sujet, je pourrais tout à fait mettre mon temps à profit pour faire avancer mon combat plus concrètement et peut-être plus efficacement. J’ai un temps cru que ma notoriété en ligne pouvait avoir le mérite de servir ma carrière mais que ce n’était qu’une chimère. J’ai voulu aller sur ces réseaux sociaux pour aller “chercher” les jeunes qui ne liront pas mes bouquins, parce qu’aujourd’hui on préfère s’informer via des vidéos Konbini plutôt que de se taper mon bouquin de 300 pages. J’aurais dû comprendre que c’était se battre contre des moulins à vent et rester droite dans mes bottes en refusant cette tendance moderne à s’informer à l’arrache sur les réseaux sociaux sans chercher à lire des contenus détaillés et complets.
10 | Fini de travailler gratuitement pour Mark Zukerberg et Cie
► Je refuse de continuer à nourrir ces machines à fric capitalistes en y postant moi-même gratuitement des contenus. Non seulement cela me ramène très peu de visiteurs mais cela phagocyte beaucoup les lecteurs qui désertent les blogs. Dès que j’ai passé plus de temps sur les réseaux sociaux, j’ai nourri cette machine, leur machine, au détriment de ce blog qui m’a pourtant apporté bien plus. Entre temps, Mark Zukerberg s’est acheté une enième île privée et moi, eh bien je me suis juste fait insulter et j’ai perdu des heures dans des échanges qui ne resteront pas dans l’histoire de l’humanité.
11 | Récupérer mon temps de cerveau disponible
► Même si je ne passe désormais pas plus d’un gros quart d’heure par semaine sur ces réseaux sociaux, c’est bien souvent un quart d’heure de trop.
12 | C’était pas ma guerre
► Je crois que nos cerveaux ne sont pas câblés pour subir le stress que représente l’opinion de millions de personnes ou des informations si nombreuses qu’elles submergent nos capacités cognitives. Je crois que ça n’est pas humain et que cela nous fait disjoncter dès que nous avons un tant soit peu de sensibilité. Ecoutez à ce popos l’excellente émission “Ce que les réseaux font aux cerveaux” sur France Culture et lisez les ouvrages du sociologue Gérard Bronner (Apocalypse cognitive) ou du neurologue Lionel Naccache (L’homme réseau-nable).
13 | Revenir à la réalité
► Je crois qu’aujourd’hui nous en sommes arrivés à un tel point que ces réseaux sociaux censés nous permettre d’échanger sont devenus, par la faute de nos comportements, des machines à diviser, des machines à polariser les débats de société avec une telle haine que beaucoup n’osent plus s’y exprimer. Je crois donc qu’il est grand temps de débrancher et de retrouver le plaisir de se voir et d’échanger en vrai, dans le respect et en toute amitié. Grand temps d’arrêter de se jauger à l’aune de nos “likes”. Grand temps de cesser de Googliser quelqu’un avant de le rencontrer en se disant que ce qu’on y trouve est le reflet de la réalité. Grand temps de retrouver le plaisir de s’exprimer dans un cadre sain et serein.
Voilà.
Si je crois tout de même fermement que l’on trouve à la fois le meilleur et le pire sur les réseaux sociaux, je crois aussi que ces derniers sont devenus des endroits impossibles à vivre pour les personnes un tant soit peu médiatisées. Les codes sociaux et le culte de l’éphèmère qui y règne ne me conviennent absolument plus. Aussi, si je continuerai à aller y chercher des informations, à sentir y battre le cœur de ma nation et à y renifler l’air du temps, je le ferai désormais de loin et de préférence anonymement.
Merci pour ton article ! Je viens de découvrir ton site que je trouve HYPER mignon t très agréable à parcourir.
Rien que là, je sens la différence entre écrire un commentaire sur Instagram par exemple ou bien sur un blog. Il y a beaucoup plus de respect et nous devons prendre le temps de tout lire afin de se faire sa propre idée.
J’ai quitté les réseaux sociaux genre… 40 fois ? Et puis je suis toujours revenue dessus. Le principal problème pour moi c’est que, j’y allais pour partager ma vie, comme tous mes amis à l’époque. Et puis petit à petit je voulais TOUT montrer et je me suis sentie alliénée.
Aujourd’hui j’ai gardé un compte instagram PRO uniquement pour partager sur mon métier de Naturopathe et je ne suis quasiment personne. Aucune personne à laquelle je peux me comparer et surtout pas mes proches / amis.
Grâce à cela, maintenant j’appelle directement mes amis, je n’écris presque plus de messages également.
J’ai quitté Facebook, twitter, snapchat il y a des années.
Je me retrouve complètement dans ton article. c’est vrai que l’ambiance qui était bon enfant au début et vraiment très fun parfois, est devenue complètement haineuse parfois !
Bonne continuation et merci pour ce bel article !
Merci Sara et merci pour tes gentils compliments 🙂
Nous sommes nombreux à ressentir ça, je pense en effet que dès qu’on ne s’y sent plus bien il faut s’en aller, s’écouter 😉
Incarner ses valeurs au quotidien me semble en effet bien plus important que de partager à tout prix chaque moment de vie !
Merci beaucoup pour cette liste qui me semble fort complète! Et ravie de voir que plusieurs blogueur.se.s choisissent de délaisser un peu les réseaux sociaux au profit de leur blog.
Perso, j’utilise actuellement Facebook uniquement car c’est le seul endroit où je peux consulter les horaires de bus de ma commune qui changent sans cesse avec le confinement, avant la pandémie je m’y connectais environ une fois tous les 3 mois pour regarder si j’avais un message. Et IG je m’y connecte très peu, même si je dois bien admettre que cela m’a permis d’avoir accès à des informations qui ne sont pas diffusées sur les médias mainstream, d’apprendre pas mal de choses et d’en déconstruire d’autres.
Mais je préférerai toujours un blog que je peux lire calmement plutôt qu’un réseau auquel il faut se connecter avec frénésie pour ne rien rater, sans compter l’impact environnemental du stockage de toutes ces informations, et puis me dire qu’il sera difficile de penser à la fin de ma vie “trop contente d’avoir passé autant de temps sur les réseaux”.
Merci Delphine pour vôtre gentil message et ui, c’est à chacun de voir ce qu’il accepte/n’accepte plus et surtout c’est souvent plutôt une histoire de priorités personnelles car, clairement, ce sont des supports outils à par (tout) ça 🙂
Ton point 1 est le résumé de ce qu’il se passe actuellement, sur les RS mais pas seulement. Même dans les médias, etc. dès que tu dis quelque chose qui ne va pas dans le “bon” sens ça se tape dessus au lieu de s’écouter et je parle avec de plus en plus de personnes qui me disent qu’elles n’osent pas dire ce qu’elles pensent par peur de se prendre des seaux sur la tronche. Quand j’ai publié un article sur les sensitivity readers, qui ne va pas dans le sens des militants de la cause, une lectrice m’a donné son avis par MP parce qu’elle avait peur que dire en public qu’elle était d’accord avec moi lui pose des problèmes… je trouve que ça se généralise (bon, après on voit tous les choses au travers de sa lorgnette, c’est un biais, je le sais) et je trouve ça vraiment dramatique pour le débat public. Du coup, ton point 2 rejoint ça, je trouve : les gens s’énervent et prennent leurs grands chevaux sans même prendre le temps de discuter…
Ton point 3 rejoint un article que j’ai publié il y a peu ! Je l’avais appelé “derrière l’écran, il y a des humains“. Je pense comme toi que les gens oublient qu’ils parlent à d’autres gens et pas à des robots ou des algorithmes qui construisent des phrases, à des intelligences artificielles… le fait que les écrans permettent de se désinhiber a aussi des avantages (il y a des choses sur moi, des problèmes intimes, que je ne dirais jamais en vrai, trop gênant !), il y a aussi malheureusement des dérives…
Je te rassure, tu n’es pas la seule conne à chercher la nuance, à chercher à comprendre l’avis de la personne en face ! On est au moins 2 !!
Mais je ne sais pas si les gens “vont chercher” seulement ce qui les conforte, volontairement. Il y a les algorithmes, comme tu le rappelles, pour commencer. Bon, après, il y a aussi beaucoup de gens qui ne suivent que des gens qui pensent comme eux et qui bloquent dès qu’on n’est pas d’accord. Mais il y a aussi un mécanisme psychologique qui fait que de toute façon on voit le monde au travers de notre toile de valeur et que changer d’avis est difficile. Une psychologue (j’avais lu ça dans un numéro de National Geographic, je peux essayer de te retrouver ça, si ça t’intéresse) a fait venir des électeurs de Trump, leur a soumis une phrase fausse sur l’autisme (répandue par Trump). Ils étaient d’accord. Elle a alors expliqué en quoi c’était faux ou en tout cas qu’on avait aucune preuve (je crois que c’était sur les pesticides qui créent l’autisme). À la fin, ils disent OK, on a compris, on est d’accord avec vous. Une semaine plus tard ils étaient revenus sur leur première idée. J’ai vécu ça avec un truc qui n’a rien à voir. Ma mère passait son temps à me dire de pas croiser les jambes pour ma circulation sanguine. Dans E=M6 ils avaient expliqué que ça ne faisait rien, parce que le sang trouve un autre chemin. Ma mère était surprise, mais elle a pris l’info. Quelques mois plus tard je croise les jambes et elle me dit “décroise les jambes, tu vas couper ta circulation”. Et ce n’était même pas conscient ! Elle ne se souvenait pas de l’émission. Ou alors autre exemple : mes parents me soutenaient que l’on aurait jamais de Noir champion du monde de natation parce que les Noirs sont plus lourds (ce qui est vrai, la masse musculaire est plus importante) mais moi je disais “oui, mais quelle part du social : c’est-à-dire que beaucoup de jeunes Noirs en France sont dans des milieux défavorisés où la natation n’est pas une discipline valorisée et du coup on ne trouve pas les talents”. Ils ont balayé l’argument et se sont lancés sur internet pour me démontrer que j’avais tord. Je trouve un article d’un expert qui finit en disant exactement cet argument du social. Ma mère était tombée sur le même mais elle n’avait pas fini de le lire. Quand je lui ai demandé si elle avait trouvé le même que moi (j’avais vu sur son écran) elle m’a dit que non, et elle a fermé la page. Donc il y a une partie de volontaire (bloquer les gens, fermer les articles, pour ne pas lire qu’on puisse avoir tors ; donner des leçons aux autres, les mépriser, etc.) et une partie involontaire (algorithme et mécanismes psychologiques).
J’avais lu un philosophe qui disait ceci que j’ai retenu : ce qui est en jeu dans les débats, c’est l’image que l’on se fait de l’image que la société a de nous. L’enjeu, c’est notre sentiment de vulnérabilité, en fait. Je trouve que c’est intéressant comme point de départ pour traiter des débats !
Je trouve ton point 12 très intéressant ! D’ailleurs, les scientifiques pensent que, si la forêt nous repose, c’est parce que le cerveau comprend cet environnement (et la nature) et pas la ville : nous avons évolué plus vite que notre cerveau et la ville le stresse. Du coup, ça rejoint assez ton point, je trouve ! 🙂
Par contre, je ne suis pas d’accord avec ton dernier point, ou plutôt avec une formulation. “devenus des machines à diviser qui polarisent les débats de société” : ce ne sont pas “les réseaux sociaux” qui polarisent (d’ailleurs, la polarisation des débats on la trouve aussi à la TV !) mais ce que les gens font des débats. De la même manière qu’un couteau n’est pas dangereux en soi : avec un couteau je peux effectivement vouloir tuer quelqu’un mais je peux aussi faire un bon petit plat à partager avec mes amis ! Le problème ce ne sont pas “les réseaux sociaux”, je pense mais “les gens sur les réseaux sociaux” et même “les militants (radicaux) sur les réseaux sociaux” qui oublient la nuance et confondent des maladresses avec le racisme, etc. et disent “on en a marre de répéter toujours la même chose, alors maintenant oui on s’énerve et c’est légitime” (euh… les profs répètent tous les ans la même chose à plein d’élèves, ça s’appelle la pédagogie… bref). Ce sont les gens, le problème, et pas “les réseaux sociaux” en soi, mais plus ce que l’on en a fait !
J’ai trouvé ton article très intéressant en tout cas !
De mon côté je n’ai jamais trop eu de comptes. J’ai Twitter mais j’essaye de m’en distancer parce que c’est peut-être le pire de tous pour les débats, et une perte de temps terrible… j’essaye de ne pas me laisser prendre au piège !
Salut Enir et merci pour ce beau commentaire étoffé.
Je suis absolument d’accord avec toi et oui, si mon article n’était pas clair sur ce point, je te rejoins, le problème ne sont pas les réseaux sociaux en eux-mêmes (comme tout outil) mais l’usage que les gens en font d’où mon expression “sont devenus des machines à polariser le débat” = on les utilise dans un but précis qui finalement dessert le débat au lieux de le servir comme il le devrait).
Quant à nos biais, ils sont effectivement multiples, quasi infinis, ce dont on s’aperçoit quand on s’intéresse notamment aux biais dans les études scientifiques (travail que j’ai dû effectuer en tant que journaliste scientifique).
Cette histoire de vulnérabilité est effectivement très intéressante car j’ai souvent remarqué, lors d’un débat qu’il semble plus s’agir d’egos qui s’affrontent (de volonté de ne pas perdre la face, donc son image publique) plutôt parfois que de vrais arguments de fonds.
Et oui, il est bon de rappeller que derrière les écrans se trouvent des humains et que l’anonymat a clairement du bon pour libérer la parole, le tout c’est toujours de le faire avec le même respect que dans la vraie vie 🙂
Effectivement, nos biais sont énormément, énormément nombreux ! Je suis membre d’un forum d’écriture sur lequel il y a eu quelques problématiques autour de débats qui partaient en couille et l’administration avait fini pas publier un message à ce sujet. J’y avais répondu en disant que le débat ne serait sain que si on cherchait à se comprendre plutôt qu’à convaincre, et j’avais fini par citer tous les biais que j’ai identifié (par exemple j’aime pas quand on me dit “je suis avancée sur tel sujet” parce que ça fait penser qu’il n’y a qu’une direction vers la Vérité, donc j’ai tendance à me braquer ; ou je vais me braquer si j’identifie quelqu’un comme militant radical, etc.). Je pense que si on peut identifier nos biais on peut aussi avoir plus de recul sur nos manières d’interagir avec les autres !
Oui, c’est vrai, il y a cette notion de ne pas perdre la face et ça peut finir en crêpage de chignon pas très intéressant…
Ah les forums, ce sont un peu les ancêtres des réseaux sociaux et, en effet, on y retrouve exactement les mêmes problèmes, à ceci près qu’il y a en effet des modos et surtout globalement pas autant de monde (ou qui se regroupent autour d’un intérêt commun) donc c’est plus soft, l’effetd e masse est vraiment important je pense à ce sujet (proportionnellement, on a beaucoup plus de chance d’avoir un troll agressif dans un grand groupe, multipliez ça par le nombre de personnes sur Facebook ça fait beaucoup de potentialités !)
Oui, je partage totalement ton analyse ! Et j’ajouterais aussi que les membres, même sur des gros forums, ont l’habitude de se croiser sur d’autres sujets donc on a une meilleure connaissance des autres dans le sens où on ne l’identifie pas juste à ses idées à un instant T dans un sujet donné, mais à tout un réseau d’idées partagées ici ou là. Alors que sur les réseaux sociaux, et plus spécifiquement sur Twitter où ça peut aller vraiment très vite, y a des gens qu’on ne voit que sur un tweet, qu’on n’avait jamais croisé avant et qu’on ne recroisera plus jamais après et je pense que le fait de ne pas “connaître les gens” participe aussi à la violence parce qu’on peut plus facilement diaboliser l’autre.
Très vrai !
BRAVO! Merci pour vos publications très sensées.
Oh merci Mathilde !
PS : vos peintures sont magnifiques ! J’aime beaucoup vos compositions Puzzle 🙂
Tellement vrai! Merci beaucoup pour cet article ! Et ne lâchez rien, vous nous apportez beaucoup!
Merci Céline 🙂
Je suis très heureuse de défricher à nouveau cet espace de “CaSeSaurait” que j’avais quelque peu abandonné et de redécouvrir le plaisir de discuter !
Merci ! J’ai moi aussi “quitté” les réseaux sociaux il y a quelques mois, si ce n’est un an. Je suis bienheureuse de retrouver mon temps d’action et de réflexion. Comme tu l’exprimes si bien les côtés négatifs ont surpassé le positif et l’agressivité y est trop présente. Ravivons la flamme des blogs !
Exactement, même en n’y passant bien moins de temps que la plupart des gens je trouvais que c’était déjà trop.
Qu’en as-tu tiré de cette année sans réseaux sociaux, tu as tout coupé ?
J’ai presque tout coupé. Je n’ai gardé que quelques groupes Facebook. J’ai utilisé une extension pour bloquer le fil d’actualités et aller tranquillement profiter de la partie groupes. Le principal aspect positif pour moi a été la mise en place d’une pratique de “deep work”. Je suis beaucoup plus focus quand je travaille, c’est tellement agréable. Je me sens également moins envahie par tout “le bruit du monde”. Nos cerveaux ne sont pas faits pour recevoir autant d’informations. J’espère que cet éloignement des réseaux sociaux t’apportera tout autant !
Merci Oraline pour ton témoignage et gentil message. Oui, déjà depuis quelques mois j’avais pris beaucoup de distance et j’ai beaucoup plus lu et surtout j’ai réappris à penser sur le long terme, à ne plus me laisser imposer un agenda de sujets mais à réaliser mon propre agenda selon ce qui m’intéresse.
Pour le travail, je n’ai jamais eu d’utilisation des réseaux sociaux sur mon temps de travail et jamais eu non plus la tentation d’y plonger le nez à ce moment-là donc de ce côté-là je pense que ça ne changera pas. Mais j’ai en effet souvent entendu dire qu’on pouvait être distrait par les réseaux sociaux.
Depuis quelques mois, j’avais surtout remarqué que je n’allais sur les réseaux sociaux que le coeur lourd et par sentiment d’obligation, que les conflits qui y règnent me pesaient énormément. Je me suis alors posé la question : mais dans le fond, au départ je suis venue ici pour échanger mais au final, aujourd’hui, qu’est-ce que ça m’apporte ? Et là le bilan a été très négatif : ça me prends du temps, je crée des contenus qui deviennent vite invisibles, périmés et à côté de ça très peu d’échanges intéressants et pas mal de prises de tête inutiles : bref la balance n’était plus équilibrée pour moi.
Puis les questions : vais-je perdre des lecteurs en renonçant aux réseaux sociaux ? Vais-je perdre en visibilité ? Et finalement la décision : non franchement, mets tes actes en cohérence avec tes pensées et casse-toi, franchement qu’est-ce que tu as à y perdre ?
Tu utilises aussi ces réseaux pour promouvoir ton blog ou pour le pro ? Tu as eu ces réflexions ?
Oui j’ai clairement eu des peurs autour de ne pas pouvoir se faire connaitre sans les réseaux sociaux (j’écrivais sur Facebook, auparavant). Mais 1/ça vallait pas le coup, pas assez fluide 2/je commence à redécouvrir et trainer sur des blogs comme le tien et c’est tellement plus enrichissant 3/j’ai découvert Alexandra Franzen, une autrice américaine qui parle de marketer sans les réseaux sociaux et c’est tellement plus doux !
Ah, heureuse de voir que cette tendance se développe car vraiment je crois qu’il y a une certaine folie sur ces réseaux dont personne ne sort gagnant (hormis ceux qui les créent et en vivent grassement)…
Bonjour,
Excellent article , très mauvais titre qui empêchera les ” concernés ” de le lire . Dommage
Je préferai un titre plus évocateur et j’ai bien travaillé le référencement afin que tout le monde le trouve, j’aime écrire sur Internet mais pas au point de systématiquement devoir modifier mes titres pour qu’ils collent aux règles du référencement.
Bon ceci dit votre commentaire m’interpelle, voici titre plus clair : “13 bonnes raisons de quitter les réseaux sociaux”.
Merci Robin !
Bonsoir,
Je n’ai pas compris votre ” histoire ” de référencement tant pis pour moi !!
Votre nouveau titre est , certes , moins ” punchy ” mais la provocation n’est pas tj payante
et faire plaisir à ceux qui pensent comme vous avec un titre discriminant ,n’a pas bp d’intérêt .
Le référencement c’est l’art de “parler aux moteurs de recherche afin que ceux qui y cherchent quelque chose trouvent du contenu en adéquation avec leur rechercher (ça passe par des mots clefs, etc.). Tout ça pour dire que malgré mon titre “sibyllin” j’avais référéencé l’article sous les mots clefs “quitter les réseaux sociaux” etc. ce qui signifie que les lecteurs seraient tombé sur mon article, titre sibyllin ou non 🙂
Quoi qu’il en soit, votre commentaire a l’ironie de nous illustrer par l’exemple que, réseaux sociaux ou pas, il y en aura toujours pour venir faire des remarques ! :-p
Super intéressant. Je me demandais s’il n’y avait pas des alternatives. J’ai l’impression qu’avec les sites internet on peut faire la même chose mais qu’en même temps ceux qui sont branchés aux réseaux sociaux n’ouvrent plus internet… quelle pagaille.
Merci Val
Oui, ici sur le blog finalement c’est l’espace commentaires qui faisait office d’espace de discussion mais au moins chacun réfléchit avant de poster et respecte l’état d’esprit de courtoisie du site, ainsi c’est intéressant à lire pour ceux qui passent par là, c’est un vrai plus.
Je sais qu’il existe des plateformes plus éthiques qui voient le jour actuellement pour tenter des réseaux sociaux plus éthiques mais la seule chose qui change c’est qu’elles ne sont pas liées aux GAFAM, et respectent les données privées mais bon, une fois qu’il y aura plein de gens dessus je vois mal comment empêcher haine et la bêtise d’y déferler…
Et oui, avec le succès des réseaux sociaux beaucoup désertent les blogs et sites et n’ont même plus la patience d’y lire un article. Bon,perso je préfère encore une audience de qualité quitte à avoir moins de visiteurs…
Les “alternatives” aux réseaux sociaux affichent leur volonté de ne pas capter les données personnelles (pour un profilage des utilisateurs exploité par des algorithmes de ciblage) et/ou de ne pas pratiquer de censure. Mais ces deux problèmes, qui sont bien réels, n’ont rien à voir avec ceux que Sabrina a évoqués.
Donc, sur un réseau “alternatif” on peut être exposé·e aux mêmes assauts de haine et de bêtise, surtout parce que l’anonymat reste la condition première de la “liberté d’expression”… Je crois donc que le problème est plutôt là. En même temps on a besoin d’espaces où des personnes victimes de menaces ou de harcèlement puissent s’exprimer anonymement et s’organiser. Mais il faudrait les concevoir différemment des réseaux sociaux publics.
Oui, les adeptes majoritaires des réseaux sociaux ne consultent pas internet en dehors de leur bulle. Dans mon village, la plupart des élus de la commune ne connaissent même pas l’existence du site web de la mairie ! Ils/elles ne voient que la page FB qui lui est associée et croient que c’est “le site”…
Personnellement j’ai gardé un compte FB pour partager des pétitions et des trucs marrants, jamais rien de personnel. Ou alors des trucs compliqués qui n’intéressent personne (ou presque). J’utilise uniquement LinkedIn pour mes contacts professionnels dans le monde “académique” afin d’envoyer quelques bouteilles à la mer sur des travaux qui n’intéressent personne (ou presque). 🙂
Ah Bernard ! J’en étais sûre que j’allais enfin te retrouver 🙂
Merci pour ton commentaire très constructif comme toujours, au passage désolée de vous avoir abandonnés toi et les autres fidèles lecteurs, je me suis égarée pauvre pêcheuse !
Bien d’accord avec toi, je pense que le problème c’est l’âme humaine et que quel que soit le réseau créé, les mêmes problèmes feront jour. Oui l’anonymat est parfois problématique et c’est en même temps ce qui garantit une réelle liberté d’expression (sans conséquences sur la vie pro ou autre à la clef). Je suis très attachée à l’anonymat et même si j’ai choisis de me montrer ici sous ma vraie identité, je suis souvent tentée de recréer un site 100 % anonyme, seule condition à une liberté d’expression totale (même ici il y a bien des sujets que je ne me risquerai pas à aborder car je n’ai pas envie qu’ils enflamment les commentaires ou qu’on me colle ensuite uen étiquette).
Idem, je n’ai jamais rien partagé de personnel sur Facebook et je trouve un peu dramatique ce que tu dis sur ta commune et son site… Tout ça a pris une ampleur phénoménale, comme quoi, ça doit titiller des cordes sensibles chez la plupart des gens si ça fonctionne si bien et je crois que l’une de ces cordes et d’avoir l’impression d’avoir une voix, d’exister et de le montrer).
Tu ne nous a pas abandonnés ! Il faut reconsidérer l’échelle du temps à cette époque de communication “instantanée”… Pour diverses raisons j’ai repris contact avec des personnes avec qui je travaillais “le siècle dernier”. C’est amusant de les retrouver avec le même enthousiasme, même si les photos ne sont plus ressemblantes. Ma passion de l’archivage pérenne est un puissant moteur de persévérance.
Les réseaux sociaux ont démantibulé la majeure partie du monde associatif. Une asso que j’ai fondée en 2004 se retrouve avec une vingtaine de membres (malgré l’adhésion gratuite) alors que sa page FB compte plus de 400 abonné·e·s qui échangent questions et réponses (mais toujours les mêmes car on oublie ce qui s’est dit la veille) et ne s’engagent en rien dans une action collective autre que cliquer des “like”.
Je crois qu’ils démolissent aussi le tissu de la démocratie en valorisant l’échange d’opinions au détriment de toute réflexion critique – et surtout autocritique comme tu l’as souligné !
Ill me semble que l’avenir serait plutôt dans la publication avec impression à la demande (Amazon n’est pas l’unique solution) d’ouvrages écrits en plusieurs langues. On a maintenant des outils comme deepL qui font un bon travail de départ pour la traduction. Plusieurs langues pour élargir le lectorat, mais aussi pour clarifier le texte source quand le traducteur automatique se mélange les pédales. On est à l’essai ici sur un petit bouquin, c’est très enthousiasmant. Si des outils technologiques existent, autant les utiliser à des fins utiles ! 😉
Merci Bernard, tu as bien raison 😉
Quand je t’entends dire ça :
“Les réseaux sociaux ont démantibulé la majeure partie du monde associatif. Une asso que j’ai fondée en 2004 se retrouve avec une vingtaine de membres (malgré l’adhésion gratuite) alors que sa page FB compte plus de 400 abonné·e·s qui échangent questions et réponses (mais toujours les mêmes car on oublie ce qui s’est dit la veille) et ne s’engagent en rien dans une action collective autre que cliquer des “like”.”
Je trouve ça vraiment dommage et ça met le doigt sur des choses que je ressentais intuitivement dès le départ avec ces réseaux et qui s’avèrent vraies aujourd’hui…