Je ne crois pas au hasard. Et quand le désespoir vous submerge, quand vos faiblesses apparaissent au grand jour, quand vous êtes au plus mal, malade et alité ou tout simplement écorché vif par la vie; certaines personnes apparaissent tels des anges. Elles ont un message, désintéressé mais néanmoins précis, un geste rassurant ou tout simplement un sourire.
Un message, un geste ou un sourire que l’on n’oubliera jamais. Celui qu’il fallait au moment où il le fallait. Tout simplement. Et ces gens-là je ne les oublierai jamais …
La mamie à l’écharpe multicolore :
Un après-midi de l’hiver 2005. J’avais 17 ans. Mon premier grand amour, celui que je pensais éternel, venais de me faire comprendre que ça serait définitivement terminé entre nous. Il m’avait quitté depuis le jour de l’an et je tentais avec la rage du désespoir de le récupérer depuis. Ce jour-là, après une discussion, j’avais compris que c’était à jamais terminé. Moi qui pensais que le premier resterait le dernier, mon coeur était transpercé de douleur. Tout s’effondrait autour de moi, rien n’avait plus de sens.
Ce jour-là je devais aller en ville faire un exposé sur la résistance et je me rendais en ville pour visiter un musée sur le sujet. Et dans le bus déjà les larmes n’étaient pas loin, je ne me souviens plus pourquoi ce jour-là j’étais tellement triste, je crois qu’il m’avait accompagné en ville par le bus et qu’à ses gestes j’avais compris que j’avais usé son intérêt pour moi…
Ce jour-là, même la neige était moche. En descendant du bus, les pieds dans cette neige de février qui se transforme en boue, comme toujours à Toulouse à cette période de l’année, une vague me submerge, je ne comprends plus le sens de ma vie, comment est-ce possible de souffrir autant ?
Et je me mets à pleurer, je n’arrive plus à m’arrêter. Ces pleurs où un espèce de hoquet vous prend la poitrine et revient de manière régulière pour ne plus vous lâcher. J’ouvre les vannes, peu m’importe (pour une fois) le regard des passants. Et juste avant d’arriver au musée, cette petite femme, la cinquantaine, un peu ronde et l’air radieux. Elle incarne la simplicité, elle porte une écharpe multicolore enroulée à son cou et elle arrive en face de moi. Elle m’arrête, voyant mes pleurs et me demande “- Et bien alors ma petite, qu’est-ce qui ne va pas?” je lui marmonne une réponse incompréhensible comme quoi je ne vois plus d’intérêt à la vie, que je ne comprends pas pourquoi tant de souffrances et quel sens donner à tout ça. Et qu’ IL m’a quitté. Et là elle me dit des mots, tout simples, mais que je n’oublierai jamais “- Ben alors, faut pas pleurer comme ça, une aussi belle jeune fille, tu as pleins de belles choses qui t’attendent tu sais. Tu vivras d’autres histoires, ton chagrin va passer et puis tu en rencontreras d’autres des jeunes hommes. Ne t’inquiètes pas, je t’assure que tout va aller … ”
Au fur et à mesure qu’elle me disait ça, elle me prenait le visage dans ses mains, douces, et essuyait mes larmes. Moi qui ne suis pas du genre à me laisser toucher par des inconnus, tout s’est fait tellement naturellement, comme si cette femme me connaissait profondément, comme si elle n’était là, ce jour-là que pour moi, pour me délivrer ce message. Ses paroles m’ont capté, instantanément et mes pleurs ont cessés. Puis elle est partie, comme elle est venue, dans cette espèce d’aura de douceur. Tout était plus beau, plus doux. J’intégrais profondément ses mots et j’allais déjà mieux, même si je ne comprenais pas trop ce qui venait de se passer.
Cette petite mamie, jamais je ne l’ai oublié. Elle m’a fait prendre un tournant dans ma vie. Après ses paroles je n’avais plus les idées aussi noires. Je l’avais cru, écoutée et j’allais mieux. Dieu sait que j’en avais besoin ce jour-là.
Elle m’a donné le message dont j’avais besoin au moment exact où j’en avais besoin. Et c’est en repensant à ce genre de moments que je me dis que l’humanité réserve de très belles surprises.
Le jeune homme au message :
Deux années plus tard c’est un autre messager, plus précis cette fois, qui est apparu dans ma vie. Pour vous situer grosso modo ma situation de l’époque, suite à la rupture avec mon premier amour sus-narrée, j’avais perdue pas mal confiance en moi et étais bien décidée à ne plus jamais perdre un homme par ma bêtise (le premier m’ayant quitté pour ma jalousie excessive). J’avais donc rabaissé mes critères et m’était mis avec un gros con qui ne me vouait ni amour ni respect.
Cette chaude soirée du 21 juin (fête de la musique), il m’avait emmené avec lui dans un château abandonné au cœur de la ville où se tenait une rave party semi- privée. Ce château qui fut certainement magnifique il y a encore 50 ans était squatté et taggué mais contenait encore les preuves de son passé, tableaux d’époques aux murs et une grande salle de réception au rez de chaussé sur laquelle donnait des balcons au premier étage où se tenait le DJ qui faisait son mix. Bien évidemment, je vous laisse imaginer le genre d’énergumènes qui traînent dans ce genre de soirée et l’ambiance plutôt malsaine… Tout le monde était habillé en baggy et tee-shirt large sauf moi qui m’était faite toute jolie puisque ma soirée avait commencé avec une amie en centre-ville. Du haut de mes talons et de mon petit jean moulant je dénotais quelque peu dans cette ambiance (et je voyais bien que les hommes de la soirée l’avaient aussi remarqué) mais peu importe j’avais quand même envie de m’amuser donc je dansais, absorbé par la musique d’un DJ qui faisait un set d’électro vraiment magique et qui me portait. J’avais besoin de ça, ne plus penser à rien, me mettre dans ma bulle de musique et danser pour tout oublier, ma vie et ce qui pouvait s’y passer.
Après environ deux heures, je me rends compte que mon copain est parti de la soirée, sans me prévenir et m’a laissée seule, en charmante compagnie de ces gens qui me demandent si je ne peux pas leur prêter mon miroir de poche pour qu’ils se fassent des lignes… J’avais même remarqué l’étrange manège d’une femme qui faisait des allers-retours au WC avec des hommes et qui glissait en en sortant des billets dans son petit sac…
Je sortais de ma bulle petit à petit et m’apercevait que ma danse n’en avait pas laissé certains indifférents…plusieurs hommes étaient autour de la piste improvisée et il y en a surtout un, dont je me rappelle encore, qui me fixait intensément. Un homme d’environ un mètres quatre-vingt-dix, genre bodybuildé, chauve et torse nu sous une salopette en jean (oui au passage, allô le look improbable mais que voulez-vous, hein, les Francis Heaulme et Cie ne sont pas réputés pour leur look^^).
Et son regard, son regard mon Dieu… on aurait dit qu’il m’aurait violé (ou tué) sur place (et je crois que c’est ce qu’il aurait fait s’il en avait eu l’occasion). C’est le regard le plus malsain qu’on ait jamais posé sur moi de ma vie entière…
En fait, j’étais comme une biche entourée de chasseurs prêts à tirer et je n’avais aucun allié autour de moi, atroce comme sensation. Du coup, je décide de m’en aller et me mets à entamer avec mes talons les kilomètres qui me séparent de mon domicile. Et là je sens que quelqu’un me suit. Je commence donc à hâter le pas mais l’homme me rattrape. C’est un jeune homme la trentaine, le regard doux et l’air pas du tout aviné ou drogué. Il me dit de ne pas avoir peur, qu’il veut juste me dire quelque chose. Je lui dis d’accord et l’écoute. Et là il me dit qu’une jeune fille fraîche et mignonne comme moi ne devrait pas traîner dans ce genre d’endroit, de milieu, que c’est malsain et que je n’ai rien à y faire. Qu’il est lui-même papa et qu’il n’aimerait pas savoir sa fille traîner dans ce genre d’endroits. Qu’il pense que je vaux mieux que ça.
Il me sort des phrases, comme s’il me connaissait intimement, des phrases qui résonnent au plus profond de moi, qui me troublent, avec des mots et des termes bien précis (alors qu’il ne m’a pas vu avec mon ami et qu’il ne connait rien de ma vie). Il me dit que je vaux certainement bien mieux que tout ça et qu’il tenait vraiment à me rattraper pour me le dire. Ça m’a vraiment fait bizarre que les paroles d’un inconnu me touchent autant et surtout qu’il vise aussi juste alors qu’on ne se connaissait ni d’Eve ni d’Adam.
Ce jeune homme a été lui aussi un réel ange gardien à sa manière et je ne l’oublierai jamais…
Les brancardiers tout sourire :
Dans un tout autre registre, moins mystique et spectaculaire, j’ai fait une crise d’appendicite en avril 2011. Pendant une semaine j’ai eu un peu mal au ventre et au bout d’une semaine, ne sachant pas ce que j’ai, ma généraliste me dit d’aller aux urgences. Je m’y rends donc seule et patiente 8 heures avant qu’une première personne s’occupe de moi. Huit heures nue sous cette put§*! de blouse où on voit tes fesses, dans un brancard en plein couloir en compagnie des avinés de la nuit et des malades mentaux qui te regardent bizarrement…
Derrière moi d’ailleurs, un SDF, les bras et la tête tellement enflés qu’on dirait qu’il a tenté de faire la bise à un essaim d’abeille raconte le plus normalement du monde que cette nuit, il a avalé deux boîtes de cachets avec un litron de Villageoise, pour mourir. Normal quoi. Mon Dieu où je suis tombée!! Sortez-moi de là!!!!
Enfin les médecins prennent mon cas en charge, une interne débutante me pose une perfusion au creux du bras et après encore quelques heurs d’attente on décide de m’emmener faire une radio, ne comprenant pas ce que j’ai. Et là, le début de l’enfer. Une première jeune radiologue interne tente de regarder mon ventre à l’échographie mais ne trouve pas mon appendice. Après 20 minutes de tritouillage intensif, je commence à souffrir de plus en plus, la douleur sourde qui me tient depuis une semaine se fait plus vive. Elle appelle donc son chef de service qui vient lui-même faire l’échographie et là je crois que je vais hurler de douleur sur place. Le mec m’appuie sur le bide, sur mon appendice enflammé de toutes ses forces. Comme il me l’explique, il est désolé mais mon appendice se trouve sous mes intestins, à un endroit tout pourri pour le voir à l’écho et mon ventre étant en plus rempli d’air, il doit appuyer fort dessus pour faire bouger tout ça…
Si vous avez eu l’appendicite, et bien imaginez-vous avec un mec qui vous appuie dessus pendant demi-heure…en sortant de là j’avais pleuré toutes les larmes de mon corps, en silence et la douleur c’était maintenant bel et bien réveillée…
Finalement, ils veulent faire un scanner pour vérifier ce que j’ai. On me place donc devant la salle de scanner en attendant que je passe. Et là deux brancardiers me trimbalent et ce sont des amours, ils ont un regard très doux et me font penser à autre chose, ils me font des blagues, me posent des questions sur ma vie et compatissent à ma douleur. Je me rappellerais toujours d’eux, quand tu es au plus mal dans un brancard comme ça dans un couloir d’hôpital ce sont des véritables petits anges. Ils m’ont vraiment aidé et je ressentais surtout leur gentillesse, comme si elle m’inondait et me faisais oublier la douleur, ce jour-là je les ai bénis. D’ailleurs, ce sont eux qui m’ont ensuite emmené dans ma chambre au service gastro et ils sont même venus demander de mes nouvelles deux jours après 🙂
Des amours… Encore une fois des anonymes qui sont passés furtivement dans ma vie mais que je remercie du fond du cœur pour leur humanité et leur gentillesse, je ne les oublierai jamais…
Et vous, avez vous des anonymes que vous n’oublierez jamais ?
Oui c’est très émouvant et la vie est encore plus intéressante quand on prête attention à ce genre de rencontres…
Oui, pour ceux qui sont comme moi en quête perpétuelle de “sens” ça aide à se dire qu’il y a un sens 🙂
Bonsoir ! C’est vrai que c’est troublant, ce sont peut-être des anges gardiens en fait ^^ La première ressemble beaucoup à ma rencontre avec cette vieille dame en effet et ça m’a fait tout drôle de lire cette histoire !
Beaucoup d’émotions en tout cas, nous ne les oublierons jamais.
Je précise pour ceux qui nous lisent : Torhia dit cela puisqu’un de ses articles “La petite leçon de vie” parle exactement du même sujet : une rencontre avec une vieille dame qui a un message” 🙂
Oui, Torhia, perso moi les propos qui m’ont été tenus étaient tellement précis que du coup c’était très troublant, comment une personne qui me croise pouvait connaître autant de détails de ma vie très privée ?
Et alors que j’ai oublié de multiples visages, jamais ceux-là ….
Bonjour, après la lecture de ce bel article, je t’informe que je t’ai nominée au Versatile Blogger Award ! Bonne journée !
Ton récit sur ces anonymes m’ont rempli d’émotion…
et j’en perds ma conjugaison… *m’a
Hé, hé ^^ merci Mary, ça fait plaisir à entendre, j’y ai mis mes tripes dans cet article (d’ailleurs c’est le plus “personnel depuis la création du blog) mais je ne voulais pas trop en dévoiler sur moi tout en essayant de vous plonger dans mes émotions de l’époque pour bien cerner le contexte et l’importance que ces personnes ont eu, d’ailleurs je m’en rappelle comme si c’était hier..