Sur quoi vous basez-vous pour vous dire “-Tiens, celui-là/celle-là, je lui fais confiance !” ?
Hier en regardant Scènes de Ménage sur M6 un personnage citait une scène du film Le Guépard de Visconti :
Prince : “- Je suis un représentant de la vieille classe compromis avec l’ancien régime et lié à celui-ci par des liens de décence, sinon d’affection. Ma malheureuse génération est à cheval entre deux mondes et mal à l’aise dans l’un et dans l’autre. En outre je n’ai aucune illusion. Que ferait le Sénat d’un législateur sans expérience? D’un homme incapable de se duper lui-même, condition essentielle pour guider les autres?”
Se duper soi-même, condition essentielle pour guider les autres ?
Ce que je remarque dans la vie en général, particulièrement via la blogosphère, c’est que les leaders, ceux qu’on suit (souvent trop aveuglément), ont pour particularité d’avoir des certitudes souvent très tranchées.
Pour parler de ce que je connais le mieux (moi), j’ai remarqué que si certains apprécient mes remises en questions régulières, d’autres m’en veulent de leur parler à un moment d’un fait dont je suis convaincue puis d’adoucir ou d’atténuer mon propos avec le temps.
“Je ne vois pas au nom de quoi je vous “guiderais”. Vous informer, partager oui mais vous dire ce que vous devez faire non.”
Visiblement si je me voilais la face, que je ne me remettais jamais en question et que je restais ancrée dans mes certitudes malgré les preuves que j’ai sous les yeux, je ferais plus d’ “adeptes”.
Bien sûr j’ai des valeurs, une ligne conductrice et des choses que j’ai toujours refusées de faire. Mais je ne prétends pas avoir plus que qui que ce soit la vérité. Je ne vois pas au nom de quoi je vous “guiderais”. Vous informer, partager oui mais vous asséner des certitudes que je pourrais remettre en question plus tard, non.
“…nous avons tous notre vécu, nos expériences et notre façon de réagir et bien peu de personnes sont réellement aptes à nous conseiller en sortant de leur prisme et donc à bien nous conseiller.”
D’ailleurs quand quelqu’un me dit ce que je devrais faire j’ai tendance à fuir. Nous avons tous notre vécu, nos expériences et notre façon de réagir et bien peu de personnes sont réellement aptes à nous conseiller en sortant de leur prisme et donc à bien nous conseiller.
Qui serais-je pour dire à une mère de famille qui doit nourrir quatre enfants avec un SMIC qu’elle doit absolument consommer tout bio ?
Qui serais-je pour dire à une personne en surpoids qu’il faut absolument qu’elle fasse tout comme moi pour en perdre ?
Qui serais-je pour vous dire “il vaut mieux penser ceci ou cela” alors que régulièrement des années après je trouve mes propres pensées ridicules ?
Non. Nous sommes tous différents, nous pensons tous différemment et c’est ce qui est beau. J’aime mettre ça en valeur, discuter et échanger avec vous car chacun détient une petite part de vérité (bon, s’entend, il y a aussi des gros crétins je ne vous dépeins pas le monde Bisounours). C’est pour cela, et aussi parce qu’informer est mon métier, que je trouve important de toujours pondérer ce que l’on dit et le remettre dans un contexte.
Alors forcément du coup exit les phrases choc du type : “Réveillez-vous ! J’ai percé le mystère des forces qui sous-tendent notre monde, oubliez tout ce en quoi vous croyez, je vais vous déclamer la vérité !”. Exit les longs articles pour vous expliquer indirectement en quoi “vous n’êtes pas éveillé” si vous ne faites pas telle ou telle chose. Exit les “J’ai testé la méthode bidule, essayez, ça va forcément marcher sur vous!”.
Quand vous m’envoyez des mails privés, chaque jour, pour me demander des conseils sur une chimiothérapie, une addiction alimentaire, etc. je mesure toujours mes propos et je vous rappelle que je reste une journaliste certes mais surtout ici une blogueuse qui teste et vous en donne les résultats, rien de plus. Même si j’ai des convictions, ce qui marche pour moi ne va pas forcément marcher sur vous et il n’y a pas de méthodes miracles sinon ça se saurait.
“Un homme incapable de se duper lui-même ne peut pas guider les autres. Celui qui cherche la vérité et qui se remet sans arrêt en question attire moins que celui qui assène des certitudes qu’il modérerait s’il ne se voilait pas la face.”
Or aujourd’hui je vois monter de plus en plus de blogueurs spiritualité ou bien-être qui n’ont pas ces scrupules et qui, convaincus du bien-fondé de leur “mission”, nous assènent leurs “vérités” à longueur de journée sans nuancer ni se remettre en question. Et je vous vois vous, lecteurs, béats et emportés par ces personnalités, certes flamboyantes et attirantes, mais qui ne se remettent aussi jamais en question.
Alors ce que j’en conclus c’est que cette tirade du Guépard est vraie.
Un homme incapable de se duper lui-même ne peut pas guider les autres. Celui qui cherche la vérité et qui se remet sans arrêt en question attire moins que celui qui assène des certitudes qu’il modérerait s’il ne se voilait pas la face.
Oui, désolé de vous dire ça, mais la vérité est moins belle et attirante que le fantasme que l’on se fait d’elle.
Surtout, surtout, personne ne la détient totalement. La vérité glisse entre les doigts comme une poignée de sable que vous cherchez à saisir alors autant vous appliquer à construire la vôtre plutôt que celle “prête à penser” qu’un “meneur d’opinion” vous offre sur un plateau, souvent de manière intéressée.
Qu’en pensez-vous ?
Est-il vraiment possible de se duper? Ça me parait compliqué. Mentir aux autres c’est facile, se mentir à soit même je ne vois pas qui est capable de ce miracle.
Ha ben alors là Eric je pense que vous vous fourvoyez lourdement, l’humain se ment à lui-même en permanence et sans s’e rendre compte parce que (comme vous le disiez dans un commentaire précédent à propos de la vérité): voir la vérité en face est difficile, cela nécessite de se remettre en question, de faire face à ses propres défauts pas toujours très sympathiques donc… on se ment à soi-même pour mieux se voiler la face et supporter tout ça. Le phénomène est quand même très facilement observable et très largement répandu vous pourrez l’observer !
Dans ce que tu décris, il y’a une vraie nuance entre informer, avec les ressources dont on dispose à un instant T, et vouloir à tout prix convaincre.
J’avoue être du genre à me tordre le cerveau pour réfléchir et revenir en arrière sur ce que je pensais être sur et certain très régulièrement, mais je me dis que c’est aussi (et surtout) comme ça qu’on évolue. Du coup je ne suis pas les blogueurs qui assènent des certitudes, je privilégies celles et ceux qui font part d’une opinion, qui réfléchissent, plutôt que les autres (dont je me méfie comme de la peste!).
Oui et puis il est normal d’avoir des certitudes, c’est comme ça qu’on se construit, c’est certain mais effectivement, certains ne confrontent jamais leurs théories à la réalité ou à ce que leurs disent les autres alors il y a aussi une limite entre trop se remettre en question et ne jamais le faire et certains partent là dans un grand délire en y emmenant d’autres, plus faibles psychologiquement, le pire c’est qu’ils en profitent au passage pour leur vendre des services et /ou produits…
Continue comme ça !! Cette démarche de curiosité et de découvertes partagées, c’est ça que j’aime !!
Après, libre à chacun de faire la part des choses… On dit que ce qui différencie l’homme de l’animal, c’est son libre-arbitre… Quand je vois certaines personne ou certains blogs… ou certaines stratégies politiques… je me pose des questions !!!
Un journaliste disait il y a peu que plus on passe de temps devant nos écrans, plus on réagit vite à ce qu’on voit (et on zappe aussi vite !), plus on utilise son cerveau reptilien pour analyser ce qu’on voit, donc on réagi de façon de plus en plus primaire et primale avec l’avènement des blogs et réseaux sociaux…
L’homme est un animal… ^_^
Merci pour ce gentil message Marike 🙂
Oui, peut-être sommes nous devenus des consommateurs même de “prêt à penser” et de philosophie, on attend que quelqu’un nous emmène des théories sur un plateau pour vite les consommer…